Permis de con...
Ca aura pris le temps, mais j'ai finalement satisfait aux exigences de la nature humaine (de ma totoche), sans sacrifier ma virginite curriculaire au regard de l'etat francais.
Depuis ce matin, je suis l'heureux detenteur d'une carte en plastique, genre Video2000, qui m'identifie aux superstitieux et autres amateurs de gris-gris comme autorise a prendre ma place dans le trafic.
...a Sana'a.
Parceque, pour vous dire, le traffic Yemeni, c'est pas la Suisse: on roule plutot moins vite ici, mais le style local est resolument positionne 'contrainte objective' — tendance code naval par gros temps, option In'ch Allah.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je me suis rendu a la tres officielle auto-ecole gouvernementale de Sana'a, voici quelques jours, histoire de decrocher le permis de conduire Yemeni-style, activite dont ma totoche m'avait clairement fait comprendre qu'elle entend se decharger sur moi en dehors des heures de bureau (ben ouais, pendant les heures de bureau, on a un driver, aussi).
Apres avoir franchi le porche (astucieusement decore a l'enseigne d'une compagnie d'isolants plastiques, premiere selection subtile mais eliminatoire pour qui s'attache trop aux apparences), on deambule un peu avant de trouver un bureau — ou nous attendent dix bonnes minutes de comedie bruitiste a tenter de transcrire mon tres franchouillard blaze en arabe phonetique, vu qu'il n'est pas question de saloper les formulaires d'inscription avec des latines, non mais.
Apres ca on s'inquiete de savoir si je compte serieusement aller a l'auto-ecole avec mon deficit de langue maternelle (la leur, crois-je comprendre), ou si par chance je ne saurais pas conduire, des fois, ce qui arrangerait tout le monde.
"Il saurait", je bruite, parceque je suis comme tout le monde, apres tout, et la celebrite ne m'a pas change.
"Ouf", on fait collectivement — et de me gester la direction de la prochaine epreuve du parcours sante.
La paperasse pour l'heure ecartee de mon chemin (car dans ma main), je me retrouve sur un large tarmac, entierement desert hormis trois bagnoles a dix metres de rang l'une de l'autre, chacune garee devant sa ligne de 8 plots, et munie de son chauffeur en pleine sieste.
Un poil dubitatif, je toque doucement a la vitre du plus proche, lequel le prend plutot bien et me fait signe de monter a sa place, tandis qu'il se tortille deja pour transferer son seant a celle du mort, de place.
Je m'execute, et tandis que je bidouille le reglage du siege pour desencastrer mes genoux de la console chauffeur, nous nous lancons dans un court echange de vues en language des signes, au terme duquel il devient clair que je suis cense zigzager entre les plots gares en face de la calandre.
Yallah... et maintenant ? Stop, il me dit. Cool, je me dis, je commence a comprendre l'arabe.
Un tour de mime plus tard, je pige qu'il veut la meme a l'envers, comme un effet special de clip pourri. Je zagzigue donc en reverse, et il a l'air content, d'autant que comme je trouve ca vaguement debile comme situation, je ne m'attarde pas entre les plots.
Bref, si vous pouvez reussir un parallel-parking dans une petite rue Parisienne sans ecraser personne, et en moins de temps qu'il n'en faut pour declencher une huee de klaxons, vous etes bon a l'epreuve pratique, feloches.
Passons a la theorie qui vient apres la pratique, dans ce pays ou on est proche de son corps, ou les hommes vont en jupes et les filles en string (sous l'abaya), sans doute partant de l'idee que ca sert a rien de perdre du temps a expliquer le code de la route a un gars qui ne sait pas sa gauche de sa droite dans un retro.
D'autant que le code de la route, comment dire...
Le gars de l'exam' du code (le seul a parler anglais et donc apte a palier a ma deficience arabique) est bien sympa, un genre d'Omar Sharif de poche, et on devise gaiement du fait que chez moi sur les panneaux "Achtung, bestioles !" y'a des cerfs a la place des dromadaires.
Subtil, je ne mentionne pas le halouf a defenses, qui souvent est l'ami du carrossier, et nous moveons vers les simples et doubles lignes de separations de voies, dont on s'accorde a dire qu'on en a un peu rien a foutre tant qu'un camion ne vient pas en face.
Ce qui explique qu'ici il n'y a pas de diaporama penible avec des caravanes con qui tentent de doubler des bus sur des passages a niveau: on a beau aimer les croire gros reacs et tout coinces de la charia, les Yemeni, ils sont sauvagement Darwinistes, en vrai.
Si tu ne t'adaptes pas a l'environnement, tu passes d'automobiliste a pieton en moins de temps qu'il n'en faut pour faire le constat, alors on te briefe sur l'essentiel, a savoir les panneaux (qui peuvent donner un indice d'a quoi s'attendre), et zigzaguer, parceque la ligne droite est le plus court chemin entre une Toyota Cressida et une compression de Cesar.
Ce qui lui manque en sens de la regle et du protocole (sans parler des fringues), le routier Yemeni le rattrape fastoche en sens pratique: la ou en Sarkozie des semaines de becasserie multimedia et 35 heures de simulacre en double-pedalier donnent droit a un gros decouvert a la banque, l'illusion de savoir conduire, et un permis a points a vie (car la regle et la regle), le cours de code Yemeni se borne a te faire bien comprendre que si tu te plantes, tu vas prendre...
Prendre, ca peut aller de cher (si tu casses des trucs), a cher avec de la prison (si tu casses des trucs pas trop remplacables), et jusqu'a ta tribu offrant ta tete a la famille de la victime pour equilibrer la balance cosmique (avant ou apres la ruine et la prison, selon l'humeur).
Le service public fait sa part pour aider le bon sens a rester pres de chez nous, en limitant la duree du permis de chasse a 5 ans, pour commencer, et en verifiant qu'il voie clair, aussi, ce qui evite de rouler avec -2/10 sous pretexte qu'il a passe son permis en 1950.
Pour finir, toujours d'esprit pratique, un clou dans le doigt permet d'ajouter une information vitale sur la carte de permis de conduire, juste sous la photo un peu dimorphe: le groupe sanguin.
Ca peut toujours servir, malgre l'aimable image de fluidite attachée a l'idée qu'ici l'on conduit comme nagent les sardines.
Bon, maintenant faut voir si je peux convertir ca en permis a points franchouillard, vu que totoche va prendre de mauvaises habitudes...
Ca aura pris le temps, mais j'ai finalement satisfait aux exigences de la nature humaine (de ma totoche), sans sacrifier ma virginite curriculaire au regard de l'etat francais.
Depuis ce matin, je suis l'heureux detenteur d'une carte en plastique, genre Video2000, qui m'identifie aux superstitieux et autres amateurs de gris-gris comme autorise a prendre ma place dans le trafic.
...a Sana'a.
Parceque, pour vous dire, le traffic Yemeni, c'est pas la Suisse: on roule plutot moins vite ici, mais le style local est resolument positionne 'contrainte objective' — tendance code naval par gros temps, option In'ch Allah.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je me suis rendu a la tres officielle auto-ecole gouvernementale de Sana'a, voici quelques jours, histoire de decrocher le permis de conduire Yemeni-style, activite dont ma totoche m'avait clairement fait comprendre qu'elle entend se decharger sur moi en dehors des heures de bureau (ben ouais, pendant les heures de bureau, on a un driver, aussi).
Apres avoir franchi le porche (astucieusement decore a l'enseigne d'une compagnie d'isolants plastiques, premiere selection subtile mais eliminatoire pour qui s'attache trop aux apparences), on deambule un peu avant de trouver un bureau — ou nous attendent dix bonnes minutes de comedie bruitiste a tenter de transcrire mon tres franchouillard blaze en arabe phonetique, vu qu'il n'est pas question de saloper les formulaires d'inscription avec des latines, non mais.
Apres ca on s'inquiete de savoir si je compte serieusement aller a l'auto-ecole avec mon deficit de langue maternelle (la leur, crois-je comprendre), ou si par chance je ne saurais pas conduire, des fois, ce qui arrangerait tout le monde.
"Il saurait", je bruite, parceque je suis comme tout le monde, apres tout, et la celebrite ne m'a pas change.
"Ouf", on fait collectivement — et de me gester la direction de la prochaine epreuve du parcours sante.
La paperasse pour l'heure ecartee de mon chemin (car dans ma main), je me retrouve sur un large tarmac, entierement desert hormis trois bagnoles a dix metres de rang l'une de l'autre, chacune garee devant sa ligne de 8 plots, et munie de son chauffeur en pleine sieste.
Un poil dubitatif, je toque doucement a la vitre du plus proche, lequel le prend plutot bien et me fait signe de monter a sa place, tandis qu'il se tortille deja pour transferer son seant a celle du mort, de place.
Je m'execute, et tandis que je bidouille le reglage du siege pour desencastrer mes genoux de la console chauffeur, nous nous lancons dans un court echange de vues en language des signes, au terme duquel il devient clair que je suis cense zigzager entre les plots gares en face de la calandre.
Yallah... et maintenant ? Stop, il me dit. Cool, je me dis, je commence a comprendre l'arabe.
Un tour de mime plus tard, je pige qu'il veut la meme a l'envers, comme un effet special de clip pourri. Je zagzigue donc en reverse, et il a l'air content, d'autant que comme je trouve ca vaguement debile comme situation, je ne m'attarde pas entre les plots.
Bref, si vous pouvez reussir un parallel-parking dans une petite rue Parisienne sans ecraser personne, et en moins de temps qu'il n'en faut pour declencher une huee de klaxons, vous etes bon a l'epreuve pratique, feloches.
Passons a la theorie qui vient apres la pratique, dans ce pays ou on est proche de son corps, ou les hommes vont en jupes et les filles en string (sous l'abaya), sans doute partant de l'idee que ca sert a rien de perdre du temps a expliquer le code de la route a un gars qui ne sait pas sa gauche de sa droite dans un retro.
D'autant que le code de la route, comment dire...
Le gars de l'exam' du code (le seul a parler anglais et donc apte a palier a ma deficience arabique) est bien sympa, un genre d'Omar Sharif de poche, et on devise gaiement du fait que chez moi sur les panneaux "Achtung, bestioles !" y'a des cerfs a la place des dromadaires.
Subtil, je ne mentionne pas le halouf a defenses, qui souvent est l'ami du carrossier, et nous moveons vers les simples et doubles lignes de separations de voies, dont on s'accorde a dire qu'on en a un peu rien a foutre tant qu'un camion ne vient pas en face.
Ce qui explique qu'ici il n'y a pas de diaporama penible avec des caravanes con qui tentent de doubler des bus sur des passages a niveau: on a beau aimer les croire gros reacs et tout coinces de la charia, les Yemeni, ils sont sauvagement Darwinistes, en vrai.
Si tu ne t'adaptes pas a l'environnement, tu passes d'automobiliste a pieton en moins de temps qu'il n'en faut pour faire le constat, alors on te briefe sur l'essentiel, a savoir les panneaux (qui peuvent donner un indice d'a quoi s'attendre), et zigzaguer, parceque la ligne droite est le plus court chemin entre une Toyota Cressida et une compression de Cesar.
Ce qui lui manque en sens de la regle et du protocole (sans parler des fringues), le routier Yemeni le rattrape fastoche en sens pratique: la ou en Sarkozie des semaines de becasserie multimedia et 35 heures de simulacre en double-pedalier donnent droit a un gros decouvert a la banque, l'illusion de savoir conduire, et un permis a points a vie (car la regle et la regle), le cours de code Yemeni se borne a te faire bien comprendre que si tu te plantes, tu vas prendre...
Prendre, ca peut aller de cher (si tu casses des trucs), a cher avec de la prison (si tu casses des trucs pas trop remplacables), et jusqu'a ta tribu offrant ta tete a la famille de la victime pour equilibrer la balance cosmique (avant ou apres la ruine et la prison, selon l'humeur).
Le service public fait sa part pour aider le bon sens a rester pres de chez nous, en limitant la duree du permis de chasse a 5 ans, pour commencer, et en verifiant qu'il voie clair, aussi, ce qui evite de rouler avec -2/10 sous pretexte qu'il a passe son permis en 1950.
Pour finir, toujours d'esprit pratique, un clou dans le doigt permet d'ajouter une information vitale sur la carte de permis de conduire, juste sous la photo un peu dimorphe: le groupe sanguin.
Ca peut toujours servir, malgre l'aimable image de fluidite attachée a l'idée qu'ici l'on conduit comme nagent les sardines.
Bon, maintenant faut voir si je peux convertir ca en permis a points franchouillard, vu que totoche va prendre de mauvaises habitudes...
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